Chef d’entreprise et enseignant de français, Dr Pyrrhus Ouédraogo et Jacob Quartey sont deux Burkinabè, considérés en Russie comme doyens de cette diaspora. Depuis 1974 et 1975, ces Burkinabè qui ont intégré la Russie, d’alors l’Union soviétique, sont bien ancrés aujourd’hui dans la vie nationale russe et travaillent à prêter main forte à tout Burkinabè qui désire venir dans ce pays. “Tous les Burkinabè seront les bienvenus à Moscou, notamment pour le business (nous sommes prêts à donner des conseils pratiques,…, nous sommes prêts à vous accueillir d’abord avec le zoom koom (boisson locale burkinabè, ndlr)”, lancent ces deux citoyens, rencontrés dans la ville de Moscou.

Dr Pyrrhus Ouédraogo vit en Russie depuis 1974. Il se souvient de cette époque de l’Union soviétique, qu’il retrace jusqu’à ce qui va donner aujourd’hui la fédération de Russie. “Au temps de l’URSS (Union des républiques socialistes soviétiques), c’était compliqué ; vous finissez aujourd’hui (les études, ndlr), le lendemain, on vous donne votre visa et vous devez rentrer chez vous. C’est fini. Depuis l’éclatement de l’URSS, si vous finissez vos études, vous avez des facilités. Ceux mêmes qui finissent avec la mention Excellent, on peut leur donner la nationalité russe. C’est la nouvelle politique pour garder les cerveaux ”, explique l’homme d’affaires.

Mais, comment s’est-il retrouvé en Russie, et bien intégré, loin de son Burkina natal ? “J’ai été le premier administrateur du centre culturel soviétique à Ouaga. C’est de là que je suis venu ici. A l’époque, c’était ce qu’on appelait la coopération d’amitié entre les peuples. J’ai fait des études en finances (inspecteur des finances), ensuite un Master en sciences économiques, puis un Doctorat en sciences économiques et je suis spécialiste de la finance internationale. Maintenant, je dirige une entreprise qui s’occupe de visas Schengen, de tourisme et qui a des projets pour le Burkina, en ce qui concerne la grande chasse et la petite chasse, le tourisme visuel… Malheureusement, la situation sécuritaire n’aide pas à avancer comme on l’aurait souhaité. On a beaucoup de gens qui veulent partir au Burkina, malheureusement, la situation n’est pas gaie”, explique Dr Ouédraogo.

Pyrrhus Ouédraogo

Dans l’espoir d’un prompt retour à la quiétude pour déployer ses projets au Burkina, Dr Pyrrhus Ouédraogo observe qu’il y a beaucoup de commerçants qui sont très motivés au Burkina à venir en Russie. “Mais, on va s’organiser pour voir quels sont les voies et moyens ; parce que le plus grand problème, c’est l’assurance. Si quelqu’un vient ici et tombe malade, sans être assuré, c’est un problème. Mais tout cela, c’est technique. Donc, nous sommes en train d’étudier toutes ces possibilités-là. (…). Ici, si vous voulez créer une société, il n’y a aucun problème. Mais, il faut avoir de grands moyens, parce que la Russie, c’est une puissance. Nous sommes-là pour assister tous ceux qui veulent et donner des conseils. Nous sommes prêts comme consultant et tout, pour les Burkinabè qui voudraient venir pour le business ”, renseigne Dr Ouédraogo, encourageant la Chambre du commerce, le ministère en charge des entreprises ainsi que celui en charge du tourisme, à davantage prospecter dans ce pays d’accueil pour tirer le meilleur dans leur domaine respectif au profit du Burkina.

Des projets pour le Burkina

De l’axe Ouaga-Moscou, l’homme d’affaires apprécie la redynamisation diplomatique et souhaite que le Burkina tire, à travers divers secteurs d’activités, le meilleur du potentiel russe. “C’est la haute diplomatie qui bouge. Comme l’ambassade est maintenant complète, nous comptons sur nos compatriotes qui sont-là et sur le dynamisme de l’ambassade”, projette-t-il.

Jacob Quartey, lui, est enseignant de français et compagnon de Dr Ouédraogo, qu’il appelle d’ailleurs “camarade”, terme consacré en cette époque de la révolution démocratique et populaire. Il réside en Russie “depuis les années 75”. Il y est arrivé dans le cadre des études. “J’ai terminé les études, le troisième cycle et tout. Par suite de mariage, je suis resté. J’avais d’abord ouvert une entreprise commerciale, j’ai travaillé pendant un moment et dans les années 90, avec l’évolution, il était difficile de travailler. Surtout pour ceux qui avaient à l’époque des entreprises. Il y avait pas mal d’étrangers qui avaient des entreprises dans les années 75, mais avec les difficultés qui se sont posées, beaucoup ont perdu ce qu’ils avaient. D’autres ont pu s’associer et continuer leurs activités. J’étais un peu dans ce cas-là. Dieu merci, tout s’est bien passé ; j’ai pu travailler jusqu’à un certain moment. Après, il a fallu que je laisse tomber et entrer dans un autre domaine qu’est l’enseignement. C’est ainsi qu’aujourd’hui, je dispense des cours dans les écoles privées”, décline celui-là même qui, de par son nom (Quartey), n’hésite pas à relever avec brin de sourire, qu’il est originaire de la Boucle du Mouhoun.

Jacob Quartey

Dans un ton de nostalgie, l’enseignant de français remonte dans le temps. “On a connu l’URSS, on a vécu les évolutions jusqu’à aujourd’hui, la fédération de Russie. Lorsque le camarade Thomas Sankara est passé ici, j’ai eu à le rencontrer en tant que secrétaire général de l’organisation des étudiants. Donc, quand il est arrivé pour la première fois en Russie, j’étais parmi ceux qui l’ont accueilli à l’aéroport, avec sa délégation composée entre autres du ministre des affaires étrangères, le regretté Issouf Ouédraogo, de Valère Somé (paix à son âme). On a eu des échanges à l’époque, mais ce n’est pas allé très loin, avec tout ce qui s’est passé au pays après ’’, se remémore-t-il.

Lui également se réjouit du réchauffement des liens entre la Russie et le Burkina, dont il souhaite une excellente poursuite. “Autre chose que je voudrais souligner, j’aurais souhaité qu’au niveau des ressortissants burkinabè, on puisse s’organiser pour être reconnus aux niveaux de l’ambassade et du pays. Le but, c’est que lorsqu’il y aura des délégations officielles qui vont arriver, les anciens qui sont-là et qui ont l’expérience, qui connaissent bien ce qui se passe dans le pays, à l’image du camarde Pyrrhus Ouédraogo et moi qui avons vécu ici pendant des décennies, on a vu pas mal d’évolutions dans le pays et on en a tiré beaucoup de leçons, on soit prêt à donner des conseils par rapport à certains sujets (politiques, économiques, ainsi de suite)”, préconise-t-il.

Miser sur la formation des Burkinabè

Sur la gouvernance en cours au Burkina, et tout en soulignant suivre l’actualité de loin, M. Quartey se félicite de la trajectoire, mais souhaite que “nos dirigeants essaient d’élargir un peu les esprits. Je veux dire par là que d’essayer de voir grandement les choses, avoir une vision vraiment réelle des choses, de ce qui est à entreprendre et aller jusqu’à sa réalisation. C’est très important”.

C’est en cela qu’il loue l’idée de construction d’une centrale nucléaire, car pense-t-il que les États africains connaissent de réels problèmes en matière d’énergie. “Seulement, il serait souhaitable que, au regard des moyens que cela engage, on forme des gens qui puissent suivre cela. C’est très important, ce n’est pas quelque chose qu’il faut négliger. Si les dirigeants arrivent vraiment à pousser pour que les choses aillent dans le bon sens, c’est tout ce que nous attendons”, exalte M. Quartey.

Pour lui, resserrer donc les liens avec la Russie peut permettre de faire des pas qualitatifs dans puiseurs domaines (agriculture, industrialisation, sécurité…). “…Surtout la formation, parce qu’on en a vraiment besoin chez nous. Je pense que l’Etat doit mettre un grand accent sur ça ; former les gens et les former encore. Et dans tous les domaines possibles. C’est cela l’avenir”, recommande l’enseignant Jacob Quartey, pour qui, il y a nécessité de travailler à avoir également une assise économique.

O.L.O
Lefaso.net